12 novembre 2024
À l'occasion de la Journée Mondiale de l'Opéra, les 24 et 25 octobre derniers, la seconde édition du Cascais Opera organisé par CIVOC en collaboration avec la ville de Cascais (Portugal) a fait escale en France, avec des événements marquants à Paris et Bougival. Organisée par la ville de Cascais, cette compétition internationale met en lumière les talents émergents et les figures montantes de l'opéra tout en rendant hommage au patrimoine culturel européen, notamment grâce au partenariat avec le Centre Européen de Musique (CEM).
L'objectif de ce prix est d'encourager et de soutenir les talents émergents et les figures montantes de l'opéra. Pourquoi cet objectif est-il, selon vous, si important et essentiel ?
Adriano Jordão – L'importance de Cascais Ópera dépasse le simple encouragement et développement des jeunes talents. Bien que cela soit une des caractéristiques de base d'un concours international, l’insertion des musiciens et musiciennes dans la société et la réciprocité de participation qu'ils reçoivent font partie de l'objectif essentiel pour lequel cet événement a été conçu.
Les programmes de participation civique, les préoccupations environnementales et la création de nouveaux publics font partie de l’ADN de 'Cascais Ópera'
Jorge Chaminé – C'est pourquoi, dès la première édition de l'Opéra de Cascais, j'ai eu l'honneur de rendre hommage à Teresa Berganza, l'une des plus grandes chanteuses de ces 50 dernières années et exemple même du partage généreux et de la transmission du savoir. C'est pourquoi cette belle initiative est aujourd'hui soutenue par le CEM. Elle s'inscrit également dans deux des piliers de notre action : la transmission et l'innovation. Aujourd'hui, nous, musiciens, sommes confrontés à une réduction de l'espace d'action et devons mettre l'imagination au cœur de notre action, en soutenant les nouvelles générations de musiciens qui sont confrontées, aujourd'hui, à une multiplication d'obstacles qui s'éloignent souvent de la véritable mission du musicien. Et que cela soit fait avec excellence me semble essentiel.
Des actions telles que le Prix Cascais permettent de partager et transmettre la musique entre les générations en tant que patrimoine immatériel, mais comment peut-on construire des ponts entre les générations selon vous, alors que la musique classique et l'opéra (dont l'attrait est en pleine croissance ces dernières années) ne représentent aujourd'hui qu'une infime partie des 82 milliards d'euros de la contribution de l'industrie musicale à l'économie européenne ?
Adriano Jordão – La répartition très inégale des fonds générés par l'industrie musicale européenne témoigne du déclin culturel qui s'est accentué au cours des dernières décennies. Cette répartition s'aligne sur les intérêts du marché, qui sont faussés par l'impréparation culturelle généralisée, ce qui rend difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. Malheureusement, nous constatons que l'ivraie gagne du terrain et que la « facilitation » culturelle a entraîné une baisse sensible des normes publiques. Nous devons nous battre pour la plus haute qualité, car c'est le seul moyen de surmonter ces défis.
Jorge Chaminé – L'appropriation de l'Art par l'économie continue d'être, à ce jour, désastreuse ! Le marketing, les lois du marché, deviennent la Bible de la carrière du musicien. La musique, en particulier, dernier bastion à avoir été rattrapé, est désormais dirigée par l'industrie, par la mode du moment, parce qu'elle fait partie des objets dits de luxe de la société de consommation. L'image remplace de plus en plus la musique, le carriérisme obstiné avec l'appât du gain devient l'âme de la profession, le service narcissique de l'ego remplace le noble service dû à la musique. C'est pourquoi il faut changer de paradigme et rassembler les bonnes volontés. Il en va de la survie de ce lien d'altérité, de fraternité, de cette action des Muses qui perdent de plus en plus leur mystère pour devenir un simple objet de consommation.
Ce prix est maintenant encore plus intégré dans l'écosystème musical international de plus en plus compétitif. Comment une telle initiative peut-elle contribuer à la professionnalisation et à l'inclusion des musiciens ?
Adriano Jordão – La professionnalisation des musiciens et leur intégration dans l'écosystème musical international sont grandement facilitées par des initiatives telles que Cascais Ópera. Je pense que le contact entre pairs, l'opportunité d'être écouté par des maîtres et la participation à des événements académiques tels que les « masterclasses » sont plus importants que le succès résultant des prix - des moments où les portes s'ouvrent sur un avenir meilleur et plus riche !é
Jorge Chaminé – Absolument. La véritable compétition pour un musicien ne devrait être qu'avec lui-même. C'est ainsi que l'on atteint l'excellence. Et une expérience partagée avec ses pairs dans une ambiance aussi ouverte et conviviale que celle qu'il m'a été donné de voir lors de la première édition du Cascais Ópera m'a fait espérer cette approche au-delà des compétitions habituelles souvent paralysées par des intérêts qui n'ont rien à voir avec la musique et les talents émergents.
Comment voyez-vous l'avenir du Prix Cascais et comment peut-il, selon vous, participer encore davantage aux actions qui contribuent à placer la musique au cœur de la société ?
Adriano Jordão – Observer l'intérêt croissant pour Cascais Ópera – tant au niveau national, avec l'attention grandissante des médias et la collaboration d'acteurs culturels, qu'au niveau international, grâce à des partenariats toujours plus significatifs – nous permet d'anticiper un avenir très prometteur. J'ai été agréablement surpris par le succès de la première édition et je prévois un élan croissant pour les futures éditions, à commencer par la deuxième, prévue pour avril/mai 2025. Ce succès reflète l'impact profond de la musique sur l'âme humaine et prouve que viser la plus haute qualité donne toujours des résultats gratifiants.
Jorge Chaminé – Le Cascais Opera a eu la bonne idée de venir annoncer sa deuxième édition, le jour de la Journée mondiale de l'opéra, date de la naissance de Bizet, à Bougival. Il y a quelques années, le domaine musical de Bougival était oublié, voire condamné à la ruine. Le CEM s'est battu pour faire revivre ce patrimoine unique et, aujourd'hui, la Maison de Georges Bizet et la Villa Viardot sont sauvées. Carmen est née à Bougival et Bizet y est décédé. La Villa Viardot, résidence d'une des plus grandes chanteuses de tous les temps, Pauline García-Viardot, fille cadette de Manuel García et sœur de « La Malibran », nous inscrit dans ces fils de la mémoire qui nous ont façonnés et que nous perpétuons humblement mais avec détermination. C'est donc pour nous un grand plaisir d’y accueillir ici cet événement, cœur du projet VIA García Viardot intégré au programme VIA MUSICA du CEM et consacrant l'importance de cette famille pour le Bel Canto, l'identité musicale européenne, faisant du Cascais Opera et du CEM, les héritiers responsables de cet héritage. Le tout avec un alignement incroyable des symboles : la Journée mondiale de l'Opéra, l'anniversaire de Bizet et, pour l'édition 2025 du Cascais Opera, le 250e anniversaire de la naissance de Manuel García, le 150e anniversaire de la première représentation de Carmen et de la mort de Bizet. Notre partenariat avec Cascais Opera doit contribuer à placer la musique au cœur même de notre société, et pour y parvenir, nous devons faire ce que dit la moto du CEM : donnons du pouvoir à la musique ! Lets Empower Music!
12 novembre 2024
À l'occasion de la Journée Mondiale de l'Opéra, les 24 et 25 octobre derniers, la seconde édition du Cascais Opera organisé par CIVOC en collaboration avec la ville de Cascais (Portugal) a fait escale en France, avec des événements marquants à Paris et Bougival. Organisée par la ville de Cascais, cette compétition internationale met en lumière les talents émergents et les figures montantes de l'opéra tout en rendant hommage au patrimoine culturel européen, notamment grâce au partenariat avec le Centre Européen de Musique (CEM).
L'objectif de ce prix est d'encourager et de soutenir les talents émergents et les figures montantes de l'opéra. Pourquoi cet objectif est-il, selon vous, si important et essentiel ?
Adriano Jordão – L'importance de Cascais Ópera dépasse le simple encouragement et développement des jeunes talents. Bien que cela soit une des caractéristiques de base d'un concours international, l’insertion des musiciens et musiciennes dans la société et la réciprocité de participation qu'ils reçoivent font partie de l'objectif essentiel pour lequel cet événement a été conçu.
Les programmes de participation civique, les préoccupations environnementales et la création de nouveaux publics font partie de l’ADN de 'Cascais Ópera'
Jorge Chaminé – C'est pourquoi, dès la première édition de l'Opéra de Cascais, j'ai eu l'honneur de rendre hommage à Teresa Berganza, l'une des plus grandes chanteuses de ces 50 dernières années et exemple même du partage généreux et de la transmission du savoir. C'est pourquoi cette belle initiative est aujourd'hui soutenue par le CEM. Elle s'inscrit également dans deux des piliers de notre action : la transmission et l'innovation. Aujourd'hui, nous, musiciens, sommes confrontés à une réduction de l'espace d'action et devons mettre l'imagination au cœur de notre action, en soutenant les nouvelles générations de musiciens qui sont confrontées, aujourd'hui, à une multiplication d'obstacles qui s'éloignent souvent de la véritable mission du musicien. Et que cela soit fait avec excellence me semble essentiel.
Des actions telles que le Prix Cascais permettent de partager et transmettre la musique entre les générations en tant que patrimoine immatériel, mais comment peut-on construire des ponts entre les générations selon vous, alors que la musique classique et l'opéra (dont l'attrait est en pleine croissance ces dernières années) ne représentent aujourd'hui qu'une infime partie des 82 milliards d'euros de la contribution de l'industrie musicale à l'économie européenne ?
Adriano Jordão – La répartition très inégale des fonds générés par l'industrie musicale européenne témoigne du déclin culturel qui s'est accentué au cours des dernières décennies. Cette répartition s'aligne sur les intérêts du marché, qui sont faussés par l'impréparation culturelle généralisée, ce qui rend difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. Malheureusement, nous constatons que l'ivraie gagne du terrain et que la « facilitation » culturelle a entraîné une baisse sensible des normes publiques. Nous devons nous battre pour la plus haute qualité, car c'est le seul moyen de surmonter ces défis.
Jorge Chaminé – L'appropriation de l'Art par l'économie continue d'être, à ce jour, désastreuse ! Le marketing, les lois du marché, deviennent la Bible de la carrière du musicien. La musique, en particulier, dernier bastion à avoir été rattrapé, est désormais dirigée par l'industrie, par la mode du moment, parce qu'elle fait partie des objets dits de luxe de la société de consommation. L'image remplace de plus en plus la musique, le carriérisme obstiné avec l'appât du gain devient l'âme de la profession, le service narcissique de l'ego remplace le noble service dû à la musique. C'est pourquoi il faut changer de paradigme et rassembler les bonnes volontés. Il en va de la survie de ce lien d'altérité, de fraternité, de cette action des Muses qui perdent de plus en plus leur mystère pour devenir un simple objet de consommation.
Ce prix est maintenant encore plus intégré dans l'écosystème musical international de plus en plus compétitif. Comment une telle initiative peut-elle contribuer à la professionnalisation et à l'inclusion des musiciens ?
Adriano Jordão – La professionnalisation des musiciens et leur intégration dans l'écosystème musical international sont grandement facilitées par des initiatives telles que Cascais Ópera. Je pense que le contact entre pairs, l'opportunité d'être écouté par des maîtres et la participation à des événements académiques tels que les « masterclasses » sont plus importants que le succès résultant des prix - des moments où les portes s'ouvrent sur un avenir meilleur et plus riche !é
Jorge Chaminé – Absolument. La véritable compétition pour un musicien ne devrait être qu'avec lui-même. C'est ainsi que l'on atteint l'excellence. Et une expérience partagée avec ses pairs dans une ambiance aussi ouverte et conviviale que celle qu'il m'a été donné de voir lors de la première édition du Cascais Ópera m'a fait espérer cette approche au-delà des compétitions habituelles souvent paralysées par des intérêts qui n'ont rien à voir avec la musique et les talents émergents.
Comment voyez-vous l'avenir du Prix Cascais et comment peut-il, selon vous, participer encore davantage aux actions qui contribuent à placer la musique au cœur de la société ?
Adriano Jordão – Observer l'intérêt croissant pour Cascais Ópera – tant au niveau national, avec l'attention grandissante des médias et la collaboration d'acteurs culturels, qu'au niveau international, grâce à des partenariats toujours plus significatifs – nous permet d'anticiper un avenir très prometteur. J'ai été agréablement surpris par le succès de la première édition et je prévois un élan croissant pour les futures éditions, à commencer par la deuxième, prévue pour avril/mai 2025. Ce succès reflète l'impact profond de la musique sur l'âme humaine et prouve que viser la plus haute qualité donne toujours des résultats gratifiants.
Jorge Chaminé – Le Cascais Opera a eu la bonne idée de venir annoncer sa deuxième édition, le jour de la Journée mondiale de l'opéra, date de la naissance de Bizet, à Bougival. Il y a quelques années, le domaine musical de Bougival était oublié, voire condamné à la ruine. Le CEM s'est battu pour faire revivre ce patrimoine unique et, aujourd'hui, la Maison de Georges Bizet et la Villa Viardot sont sauvées. Carmen est née à Bougival et Bizet y est décédé. La Villa Viardot, résidence d'une des plus grandes chanteuses de tous les temps, Pauline García-Viardot, fille cadette de Manuel García et sœur de « La Malibran », nous inscrit dans ces fils de la mémoire qui nous ont façonnés et que nous perpétuons humblement mais avec détermination. C'est donc pour nous un grand plaisir d’y accueillir ici cet événement, cœur du projet VIA García Viardot intégré au programme VIA MUSICA du CEM et consacrant l'importance de cette famille pour le Bel Canto, l'identité musicale européenne, faisant du Cascais Opera et du CEM, les héritiers responsables de cet héritage. Le tout avec un alignement incroyable des symboles : la Journée mondiale de l'Opéra, l'anniversaire de Bizet et, pour l'édition 2025 du Cascais Opera, le 250e anniversaire de la naissance de Manuel García, le 150e anniversaire de la première représentation de Carmen et de la mort de Bizet. Notre partenariat avec Cascais Opera doit contribuer à placer la musique au cœur même de notre société, et pour y parvenir, nous devons faire ce que dit la moto du CEM : donnons du pouvoir à la musique ! Lets Empower Music!